Le mPOS ? Une évolution inéluctable en Europe
Square Register
Le mPOS, c’est l’histoire d’une petite startup qui, en 2010, propose un mini-lecteur, presque gratuitement, permettant à tout individu ou entreprise (nord-américaine) de transformer un smartphone ou une Tablet en terminal de paiement (mPOS : mobile Point of Sales). Son modèle économique est limpide: 2,75% de commissions fixes prélevées par transaction. Rien d’autre. 3 ans plus tard – vous aurez reconnu cette startup – Square acquière plus de 10 milliards USD de flux bancaires avec 3 millions d’utilisateurs inscrits et une croissance toujours époustouflante…
Les banques européennes s’interrogent, car Square s’appuie sur son propre établissement de paiement, privant ainsi les banques américaines d’une partie de leur valeur ajoutée sur l’acquisition des flux bancaires.
Alors… Le succès de Square est-il reproductible en Europe et en France ?
Evidemment, le développement de la solution a été rendu possible par des spécificités du marché nord-américain qui ne se retrouvent pas en Europe. Il y a au moins deux différences majeures : technologique – Square ne répond pas aux exigences réglementaires « chip and pin » des transactions EMV du mode « card present » – et économique, les commissions d’acquisition sur les paiements universels en Europe sont très inférieures à celles pratiquées par Square. L’Europe est un donc marché protégé des solutions « Square-like »… mais cette situation ne révèle-t-elle pas une opportunité à saisir pour les banques ?
mPOS Chip & Pin
1 Sur le point technique, Visa Europe reconnait évaluer les solutions de m-POS d’une vingtaine de candidats ambitionnant de répondre aux contraintes EMV level 2 européennes (et aussi CB, en France), qui imposent un dispositif spécifique pour la saisie de code secret (le PIN) associée aux clés de sécurité de la carte (le CHIP). Idem pour MasterCard qui a annoncé 19 solutions certifiées, lors du mobile World Congress de Barcelone. En cela, notre réglementation européenne diffère des USA car comme les banques émettrices portent le risque de fraude, elles sont fondées à exiger des moyens de sécurité stricts pour les transactions bancaires qu’elles garantissent. mPOS Chip & Pin mPOS Chip & Pin Déjà plusieurs solutions matérielles sont jugées au bon niveau de sécurité pour l’Europe et devraient être mises sur le marché au cours des prochaines semaines. Ainsi, la première barrière à l’entrée devrait tomber, même si au regard de l’utilisateur, les solutions m-POS fondées sur un terminal de paiement distinct du smartphone ou de la Tablet, ont une ergonomie moins attractive – et la solution globale est plus couteuse – qu’un mini-lecteur branché directement sur l’appareil mobile. Un frein au succès de m-POS européens, certainement, mais puisque la sécurité est bien assurée…
2 Sur la question du modèle économique, les commissions d’acquisition sont nettement plus basses en Europe qu’aux USA, et ont été révisées pour les petits montants en 2011, consécutivement aux travaux de la commission Maillé de l’Assemblée Nationale.
Les banques se demandent donc s’il existe un modèle d’affaires sur le m-POS en France…
La réponse est probablement positive, et voici quelques arguments : Le commerce paye des commissions plus élevées lorsque l’intérêt business est évident.
Pour illustration, les commissions d’acquisition de PayPal sont plus élevées que celles des transactions CB, et comparables à celle de Square. Malgré le surcoût significatif par rapport à CB, le tiers des sites d’e-Commerce utilise PayPal en Europe. Simplement parce qu’actuellement l’expérience client est plutôt meilleure avec PayPal pour un paiement « OneClick » qu’avec une carte bancaire pour les achats sur internet. Le fait est démontré par les 5 millions d’utilisateurs de PayPal en France.Egalement, certains marchés B2B comme les professions libérales, les ventes éphémères (marché, déstockage,…), les vendeurs/livreurs sont actuellement sous-équipés en raison de l’inadéquation de l’offre d’acquisition via des TPE classiques par rapport à leurs besoins métiers. Voici de nouveaux marchés à conquérir.
Les services en cross canal associés au mobile ont une forte valeur.
L’enjeu du commerce se situe dans sa capacité à gérer un marketing cross canal, entre des avantages ou des services offerts aux consommateurs et l’effet attendu : satisfaction, fidélisation fréquentation, up-selling… Plusieurs enseignes équipent leurs vendeurs de Tablet, le m-POS est le maillon manquant pour réaliser la vente en proximité, de bout en bout. A ce sujet, vous remarquerez que Square vient de compléter son offre en proposant son propre Wallet pour les consommateurs.
Les contraintes réglementaires liées à l’usage des espèces vont se durcir, avec pour effet de renforcer les échanges dématérialisés.
Déjà, les cartes de paiement « sans contact » permettent de substituer l’usage des espèces pour les petits montants, avec une valeur d’usage supérieure : plus simple, plus rapide, plus sûre… De même, avec le paiement mobile, sécurisé EMV ou remote, les nouveaux usages facilitent encore plus les transactions monétaires dématérialisées– tant du point de vue de l’émission que de l’acquisition. Avec les nouvelles contraintes, destinées à lutter contre la fraude et le blanchiment, les usages des cartes et du paiement mobile devraient se développer.
Plus globalement, les dispositifs m-POS facilitant les échanges entre cartes et mobiles, en toute circonstance et en bonne sécurité, répondent à des besoins marché pour les prochaines années :
D’une part, le Commerce doit faire face à la déferlante de consommateurs équipés de mobiles et traiter les transactions issues d’une relation omni-canal. Dans certains catégories de points de vente, il n’est pas exclu que le nombre de caisses diminue au profit de vendeurs équipés de solutions de vente interactives (écrans et Tablet) couplées à un système d’encaissement de type mPOS.
D’autre part, même lorsqu’il fait son shopping en omni-canal, le consommateur est attaché à l’usage de sa carte bancaire, d’où la nécessité évidente de pouvoir coupler des moyens de paiements dématérialisés (issus de tous canaux) avec le système européen universel de « card present » qui bénéficie d’un solide capital de confiance.
Avec le mPOS, les banques se préparent à transformer ce qui, de prime abord, aurait pu menacer leurs parts de marché, en avantages concurrentiels. Elles pourront garder – et peut-être augmenter – leur part de marché sur les flux monétaires et apporter plus de services à valeur ajoutée à leurs clients, tant en émission avec la dualité entre cartes et mobile wallets, qu’en acquisition avec des solutions m-POS adaptées aux cartes universelles de paiement et aux transactions de mobile à mobile.
Comme en Amérique du Nord, nous sommes bien face à un marché proche d’exploser en Europe avec, à tous les niveaux, de belles batailles pour gagner de parts de marché. C’est là que nous pouvons mesurer à quel point Square a été visionnaire…
François Lecomte-Vagniez
Associé et fondateur de Lobary www.lobary.com
Président du comité de programme du NFC World Congress www.nfcworldcongress.com Membre de l’EESTEL, Experts Européens en Systèmes de Transactions Electroniques www.eestel.com
Cet article a été publié le 8 Mars 2013. Fin 2013, et en 2014-2015, Lobary a conseillé le Groupe BPCE pour lancer DILIZI, la première solution mPOS proposée par les réseaux Banques Populaires et Caisses d’Epargne à leurs clients professionnels, non équipés en monétique.